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Tomatsu Shomei

Tomatsu Shomei se soucie de la détérioration culturelle. Il s’intéresse à l’histoire de manière poétique, symbolique et matérialiste.

Tomatsu s’intéressera à la photographie grâce à l’influence de ses frères qui la pratique. Il suit leur exemple. Sa vision photographique se développera grâce à son investissement dans la revue Iwanami Shashin Bunko. Le concept se base sur l’idée de se consacrer à un sujet unique à chaque parution et de s’exprimer entièrement par images. Cela sera une des pierres angulaires de ce nouveau mouvement photographique japonais.

Cette vision est très différente des Européens qui préfèrent penser leurs images à partir de textes précis.

A partir des années 1990, les photographes japonais vont étendre ce principe de tout exprimer en images dans le monde entier.

Tomatsu Shomei s’intéressera au temps qui s’écoule. Il verra la photographie comme l‘art du haiku. Connaître le haiku permet de comprendre l’art de Tomatsu.

Hiroshima et Nagasaki ont laissé une emprunte dans le Japon de Tomatsu. Avec les américains basés à Okinawa, les japonais craignaient une répétition de la catastrophe nucléaire jusque dans les années 60. Avec le temps, le souvenir s’en effaça et de nouvelles inquiétudes apparurent en rapport avec la dégradation sociale que Tomatsu put observer dans le Japon occupé par les américains.

Tomatsu Shomei partira dans divers pays tel l’Afghanistan dans un esprit de documentalisation photographique. Réaliser un documentaire présupposait un savoir de la part du photographe car sans cela, comment réaliser un reportage intéressant ? Tomatsu ira à l’encontre de ce principe lorsqu’il partira en Afghanistan dans les années 1960 !

Il arrivera sans réelle connaissance et essayera de témoigner sous des angles inhabituels ou en rendant les photographies difficiles à déchiffrer. Il incarnera la manière japonaise de la photographie en se gardant des vues d’ensemble et de la banalité. Tomatsu sera entouré de gens qu’il ne connaît pas et qui lui est difficile d’approcher. Tout en gardant sa conception asiatique du documentaire, Tomatsu est l’un des leaders de la photographie humaniste d’après-guerre.

Dans les années 1960 va commencer à se dessiner un nouveau courant photographique où les disciples de Tomatsu tels que Moriyama et Nakahira seront les nouveaux chefs de file. Le contexte historique est un ensemble mondial de nombreux changements : révolution culturelle chinoise, mai 68,… Un vent de rébellion commencera à souffler sur le monde ainsi que sur la nouvelle génération japonaise.

Il a souvent dit que ses contemporains ne croyaient en rien en raison de l’effondrement de leurs anciennes croyances qui sont survenues avec la fin de la guerre et la défaite et en raison aussi de la violence quotidienne qui a tué un grand nombre de citoyens, dommages collatéraux dont les Américains parlent peu. Comment dès lors croire en un futur possible ?

Tomatsu croit pour sa part que des photos consacrées aux blessures, à la Terre, aux détritus, à la lumière du soleil et à la peau sont bien plus éloquentes que les idées d’hommes encore sous le joug de l’occupation à cette époque. Il défend aussi l’importance du jugement propre à chacun, un jugement qui naît du regard que chacun porte sur le monde qui l’entoure plutôt que l’écoute attentive de la voix de l’Autorité.

Tout au long de sa carrière, Tomatsu a vu le Japon renaître de ses cendres grâce à des individualités, hommes et femmes, qui ont travaillé plus que jamais dans l’histoire. Efficace, mobile, flexible et peu coûteuse, la photographie, alors, était le média idéal pour explorer des questions qui ont troublé la nation japonaise d’après-guerre et cet objectif, Tomatsu le poursuivra avec ténacité et courage comme le dit Daido Moriyama, son ami de toujours.

Takuma Nakahira

Un essayiste et critique de photographie, un militant politique, un artiste qui parlait trop, un homme qui a perdu sa mémoire, un photographe qui a oublié sa langue maternelle, une légende …

Takuma Nakahira reproche au documentaire photographique d’être trop descriptif. Lui préfère créer, fabriquer des atmosphères d’apocalypse. Disciple du photographe Tomatsu Shomei, Nakahira aime déclencher en pleine lumière pour en tirer des effets. Il développe une vision de la fin de monde très fine et très pointue. C’est un créateur et un manipulateur au niveau des effets. Takuma pouvait envisager une autre version du monde, un autre état des choses grâce à ses manipulations. Il développera une vision d’abandon.

Il abandonnera peu à peu la photographie pour se perdre dans l’alcoolisme dès 1977. Ce photographe est le cofondateur de la revue Provoke en 1968 et il travaillera par la suite avec le photographe Daido Moriyama.

Takuma Nakahira, qui a influencé de nombreux photographes de la génération suivante avec son langage radical et ses tableaux, est maintenant considéré comme une figure légendaire dans le monde de la photographie.

Daido Moriyama

Ses images aux forts contrastes rejettent la “bonne technique” par des flous, des bougés, des lumières parasites ou la présence du grain.

Homme nomade, Daido Moriyama est un photographe et un auteur fascinant. Né en 1938, ses souvenirs d’enfance sont liés à l’occupation américaine.

Il commence sa vie de photographe en concevant des pochettes d’allumettes pour des bars d’Osaka avant de trouver un emploi dans un studio photo. A Kobe, il fait des portraits-souvenirs de marins et de passagers sur les quais. En 1961, il devient freelance. Vers 1965, Moriyama évolue vers une esthétique de l’instantané.

Ses photographies représentent les côtés les plus sombres de la vie urbaine.  Il piège ce qui se cache derrière la société de consommation.  Il attrape l’envers des paysages éblouissants des villes contemporaines.  Ses œuvres nous rappellent aussi que look urbain est souvent nostalgique.

La revue Provoke

Daido Moriyama sera lié au magazine Provoke qui eut comme cofondateur le photographe Takuma Nakahira, un ami de Moriyama.

Revue trimestrielle, Provoke veut apporter un matériau artistique capable de guider la pensée. Selon les fondateurs, les mots avaient perdu leur sens et la force de décrire la réalité. Ce rôle revenait donc aux photographes qui devaient prendre le relais sur le langage. Les images devaient avoir la priorité et même remplacer le langage.

Les théories artistiques du groupe Provoke ont permis à une nouvelle génération de photographes de rompre avec les conventions.

Moriyama et ses contemporains ont espéré prévoir un temps où les photographies allaient communiquer toutes seules. Bizarrement, celles-ci ont appelées les mots et Moriyama s’est mis à l’écriture !

Regarder le monde sous un autre angle ?

Daido Moriyama aime regarder le monde au niveau du sol ou du point de vue d’un chien par exemple. Il parcoure le japon en voiture pour y photographier le monde à partir de l’intérieur de celle-ci. Ce nouveau point de vue est incertain dans le monde la photographie où la station debout avait la préférence.

La photographie allait devenir une expression personnelle à partir du moment où elle arrivait à sortir des conventions. Les prises de vues se faisaient sans viseur. L’oeil du photographe ne devait pas être en contact avec les conventions de la prise de vue. Daido Moriyama n’était pas un photographe téméraire et il gardait toujours ses distances. Cette distance permet à l’autre d’apparaître à l’instar de lui-même dans ses photographies. Voyeurisme ? Description basée sur la timidité ? Percevoir le monde comme le spectateur d’un rêve ?

La perspective de ses photos suivent la démarche d’un voyeur ou un violeur. Son regard, à partir de la fenêtre d’une voiture en mouvement ou de l’ombre, est celle d’un criminel. C’est le travail de quelqu’un qui parle sans regarder les gens dans les yeux.

En 1980, Moriyama dit : « La plupart de mes instantanées, je les prends en roulant en voiture ou en courant, sans viseur, et de ce fait, on peut dire que je prends des photos plus avec le corps qu’avec les yeux. »

Daido Moriyama se présente comme une nouvelle génération inspirée par Tomatsu Shomei et guidée par ses impressions et ses obsessions.