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La construction d’un projet photographique selon Howard Chapnick

Introduction

Photo de guerre emblématique d'un soldat américain tenant un bébé mort dans les montagnes de Saipan, 1944.© W. Eugene Smith/Black Star

La photographie passe par de multiples phases. De l’image facile où c’est le matériel le plus cher qui semble faire la meilleure photographie en passant par l’intérêt de construire sa propre démarche, il y a un monde et une maturation qui doit se réaliser.

Pour le moment, je me situe dans une phase de remise en question où l’envie de construire un projet photographique concret me taraude chaque jour.

L’article qui va suivre n’est pas une recette miracle et ne se veut pas une loi gravée sur une pierre d’argile. Dans ma phase de recherche et de compréhension des démarches photographiques, je suis tombé par hasard sur quelques citations extraites du livre d’Howard Chapnick : « Truth Needs No Ally » que j’ai dévoré dans le recueil du photographe Steve Simon « Passion photographique : S’inspirer de la photo de reportage pour se dépasser« .

Les 9 points qui vont suivre font partie d’une réflexion globale pour permettre une certaine maturation chez le photographe désirant se lancer dans un projet / essai photographique.

Ce n’est pas une recette miracle mais elle a le mérite de me faire réfléchir depuis que je l’ai lue. Je profite donc de ce blog pour vous la partager en retour. Evidemment, cela demande avant tout une ouverture et un engagement de la part du photographe.

H.Chapnick était un journaliste humaniste reconnu de ses pairs. Il va de soi que son essai se porte sur une photographie de type documentaliste mais qui peut se transposer à de nombreux projets divers et variés.

Howard Chapnick - Fondateur de l'agence Black Star

La construction d’un essai photographique

Point 1. Le point de départ doit être une idée concise, réalisable, quantifiable et convaincante d’un point de vue journalistique. L’idée sera traduisible visuellement.

Point 2. Le sujet photographique aura de la profondeur et présentera une diversité de situations. La redondance visuelle devra être évitée. Chaque photographie apportera une dimension nouvelle ainsi que de nouveaux éléments de compréhension du sujet.

Point 3. Rien ne se fait en un jour. Se lancer dans un essai photographique demande du temps. En effet, il est important de prendre le temps d’explorer toutes les facettes du sujet. Il faut du temps pour repérer les redondances, les conflits visuels ou éléments conflictuels à l’intérieur du reportage doivent se révéler par eux-mêmes.  Il faut également du temps pour permettre au photographe de s’immerger dans son sujet et de le comprendre peu à peu.

Point 4. Un projet photographique demande de la coopération. Les personnes étant l’objet du reportage doivent être informées dès le début du projet qu’il leur sera beaucoup demandé. Le photographe précisera avec justesse qu’il risque de s’immiscer dans leur vie privée pour approfondir son sujet.

Point 5. Si le reportage s’axe sur un personnage précis, il est important de révéler sa personnalité, y compris ses défauts. La manière d’aborder sera honnête et la réalité ne sera pas de la poudre aux yeux.

Point 6. La réussite d’un projet photographique dépend du texte qui a le devoir d’amplifier le propos, éliminer les ambiguïtés visuelles. Les photographies et les mots formeront un ensemble qui se complètent.

Point 7. Il faut du temps et prendre ce temps permet de mettre les préjugés et les illusions en pointillés. Se lancer dans un projet photographique peut se révéler être un voyage de découvertes dans lequel l’évolution du sujet est à l’opposé de l’idée que l’on se faisait.

(Anecdote de H.Chapnick à ce propos) : Le photographe Eugene Smith réalise un reportage sur le Docteur Albert Schweitzer. Au début, E.Smith pensait rencontrer le saint homme qu’il s’était imaginé. Au bout de plusieurs mois, il trouva Albert S. autocratique et pétri de faiblesses humaines.

Point 8. La réussite d’un projet photographique est l’attention que le photographe porte sur les détails. Le photographe doit avoir un plan en tête qu’il suivra durant la durée de son projet. La maturation de ce plan est importante car c’est celui-ci qui permettra d’éviter la redondance, de faire attention aux détails et d’aborder de nombreuses facettes différentes.

Point 9. La mise en forme final d’un projet photographique est une affaire personnelle. Elle ne peut pas être prise en groupe. L’échange est important ainsi que la prise de différents avis mais c’est le photographe qui décide ce que le reportage doit exprimer et comment il doit être représenté.

Qui est Howard Chapnick ?

Howard Chapnick - Couverture du livre : "Truth Needs No Ally"

Howard Chapnick est le fondateur de l’agence photo Black Star et est une légende dans le photojournalisme. Christian Caujolle, directeur artistique de la célèbre agence VU, le définit avec ces termes dans un article du journal français Libération en 1996 lors de la mort de H.Chapnick à 74 ans :

«  Il était pour l’ensemble de la profession une sorte de conscience. Humaniste, défenseur acharné des récits photographiques et intraitable sur la rigueur de l’information, il a fait émerger toute une génération de reporters parmi lesquels Anthony Suau, Dona Ferrato, Christopher Morris et les frères David et Peter Turnley.

Il enseignait régulièrement à l’université du Missouri où fut publié, en 1994, son livre de conseils aux jeunes photographes Truth Needs No Ally. « 

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Webdocs ou la mutation du photojournalisme

Le webdocumentaire est sur toutes les lèvres et redonne un souffle au journalisme de l’image qui s’essouffle à cause de la gratuité d’Internet.

Les images sont partout et nous sommes mitraillés, bombardés par les milliards d’images qui gravitent sur la toile informatique qu’est Internet.  L’évolution du web pousse de plus en plus à la gratuité de l’image laissant sur le côté des métiers qui peinent à vivre de leur travail visuel.

L’accès rapide à Internet, les caméras sur les téléphones portables, la photographie numérique ont permis une diffusion rapide de l’information et les images peuvent être diffusées par celui ou celle qui sera au bon endroit au bon moment. La société de l’image subit une mutation. Rien n’est complètement positif ou négatif.

Le journalisme 2.0 ?

Le photojournalisme peine devant le chemin que prennent les images et le monde visuel. C’est dans ce chaudron contemporain qu’est né le webdocumentaire. Le principe du documentaire et du journalisme est remis au goût du jour. Le site « Reportages Photos » a mis le doigt sur l’essence même des enjeux actuels :

 » Que ce soit en Chine, en France, en Inde ou dans le futur, ces reportages d’un genre nouveau sont interactifs. Les sujets traités mêlent vidéo, photo et texte, le tout pour mieux décrire et expliquer les mutations que notre monde connaît. De plus, le lecteur/spectateur/acteur peut naviguer entre les différents chapitres d’un documentaire et  évoluer d’avant en arrière sans contraintes.

La télévision, les reportages photos, les journaux et la radio ont encore de beaux jours devant eux mais le métier doit se préparer à subir de profonds bouleversements. Les journalistes, dans leur majorité devront être capables de jouer sur plusieurs tableaux pour pouvoir toucher un public qui se désintéresse du papier et de la presse en générale telle qu’elle est à l’heure actuelle. « 

Le métier de photojournalisme évolue et la qualité du webdocumentaire laisse présager un avenir intéressant pour ce nouveau support.

Le webdocumentaire selon France 5 : LIEN

Le webdocumentaire selon Arte : LIEN

Le photojournalisme de demain

2010 est l’année de la remise en question du photojournalisme tel que nous le connaissons. Etre photojournaliste c’est capter la lumière de la vérité semble-t-il.

« La mort du journalisme est mauvais pour la société, mais nous nous porterons mieux avec moins photojournalisme… Nous avons créé une industrie où la photographie est devenue une chasse. Nous avons créé une industrie du concours qui renforcent une vision hyperdramatique du monde.  L’exagération de cette vision est un facteur de vente… Je ne m’inquiète pas vraiment sur l’avenir du photojournalisme. L’âme de celui-ci a été pourri pendant un certain temps. » – Chris Anderson (Magnum)

C’est dans l’air du temps et les voix silencieuses se font de plus en plus entendre :  » 2010 est l’année de la remise en question du photojournalisme et de la presse papier ». Le constat est alarmant tant les difficultés pour la presse papier et les photojournalistes qui peinent à survivre et à financer leurs projets sont bien présentes. Ces acteurs de l’image cherchent à se réinventer. L’évolution est en marche et il convient que le modèle traditionnel est en perdition. Certains crieront : « A la mort ! », d’autres verront qu’ils convient d’évoluer dans ce monde numérique. Les acteurs ont changé, les moyens de diffusion ont changé, le traitement a évolué tout autant et la relation à l’image également.

Le support papier souffre

Cela n’est pas un secret pour personne, le support papier souffle ses dernières bougies. Les lecteurs d’hier ne sont plus les lecteurs d’aujourd’hui. Les habitudes ont changé et la relation au média également. L’arrivée d’Internet a aidé à la multiplication de l’information gratuite au détriment du support journalistique. Tout comme la photographie, le support pellicule est devenu minoritaire face au support numérique facile et immatériel.

Internet a favorisé la diffusion de l’information et le monopole de la presse a disparu avec cette révolution informatique. Les modèles d’information ne s’appliquent donc plus à l’époque actuelle. Un modèle « post journalistique » est de mise. Cela n’est en rien une mauvaise chose tout comme l’ère post industrielle a remplacé l’ère industrielle.

Le modèle économique publicitaire a changé également. Grosse source de revenu au cours du 20ème siècle, il n’en est plus au cours du 21ème siècle. La publicité préfère internet pour cibler son public, créer des ponts avec les consommateurs de manière directe. La situation actuelle est encore une fois un manque de clairvoyance des éditeurs qui n’ont peut-être pas accepté cette mutation.

Constat sur le photojournalisme

Tout comme les support papier, le monde photographique peine à évoluer bien qu’une certaine mutation commence doucement. L’évolution des marchés européens et américains vers une vision industrielle a été entamée avec l’arrivé des supports numériques. Le rôle de la presse et de ces nouvelles opportunités offertes par le numérique ont attiré de nombreux investisseurs qui ont vu un réel potentiel de monétisation de l’image et de la photographie. Je ne rentrerai pas dans les détails de cette évolution mais vous avez compris le principe.

Pour plus de renseignements, je vous invite à lire ce magazine de 56 pages sur l’avenir du photojournalisme. Les enjeux, les prémices et des solutions sont proposées. Incontournable pour ceux qui s’intéressent de près ou du long au journalisme et au métier de photographe. Ce magazine est réalisé par Gerald Holubowicz qui est un photographe français basé à N-Y.

(Cliquez sur la fenêtre ci-dessous pour faire apparaître le magazine en grand).

Robert Capa

Pour qu’une photographie ait le style Capa, il faut qu’elle soit prise au plus près de l’Homme et de l’action. Il s’intéresse à l’éphémère de la vie, aux instants fragiles d’une existence.

Endre Ernö Friedmann est né à Budapest. Il découvrit la photographie au côté d’un photographe moderniste reconnu bien plus tard aux Pays-Bas.

Dans les années 30, Endre se destine au journalisme mais les difficultés financières et matérielles le poussent vers la photographie. Il travaille donc pour quelques agences. Il va photographier Trotsky lors de sa conférence à Copenhague en 1932 par exemple.

Avec l’arrivée au pouvoir des nazis, il va s’installer en France. C’est en 1936 qu’il s’établira comme photographe grâce à l’aide de ses amis. Il s’invente le nom de Robert Capa. Robert provenant de l’acteur Robert Taylor, Capa venant de l’adaptation du nom du cinéaste Franck Capra.

En 1938, Robert Capa est reconnu pour être le plus grand photographe de guerre du monde et un fervent démocrate.

Robert Capa meurt sur une mine en Indochine en 1954. Après sa mort, il sera reconnu comme le premier jeune romantique de la photographie.

Dans toutes ses photographies, il tente de prendre l’instant où l’Homme fait face au danger et parfois à la mort, à la vérité. Pour cela il faut que le photographe soit le plus près possible du danger. Robert Capa disait même : « Si ta photo n’est pas bonne, c’est que tu n’étais pas assez près ».

Chartres, Femme tondue pour avoir eu un enfant d’un soldat allemand (Robert Capa, 1944)

Le reportage dans les années 30

Au cours des années 1930, le reportage a un aspect filmique. Les photographes de l’époque savent que les clichés présentés dans un article doivent avoir un lien étroit entre eux. Les photographies n’était que des extraits d’un évènement particulier. Une situation était reconnue comme urgente à partir du moment où les photographies étaient quelques fragments d’une situation. Plus les photos étaient fragmentaires, plus la situation illustrée était urgente.

Les photographies de Robert Capa sont devenues une réelle révélation pour la profession en 1938. Prises au coeur des choses, au sein d’un évènement bien précis, Robert Capa réussit à montrer son talent de photographe reporter.

Entre les problèmes de visa et de papiers, les situations délicates en temps de guerre, les agences qui aimaient tout contrôler, les photographes travaillant sur des fronts lointains et ayant des difficultés de faire parvenir leurs clichés, la vie des photographes reporters étaient semées d’embûches.

Les querelles entre les agences et le sujet délicat de la propriété des droits des clichés, Robert Capa sera l’un des fondateurs de l’agence coopérative Magnum en 1947 avec Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour.

Tendance humaniste

Robert Capa va contribuer à la tendance humaniste de la photographie d’après-guerre. Capa présentera la guerre et toute la logistique qui l’entoure. Il montrera l’évacuation des blessés, les soldats faisant une pause cigarette par exemple. Il renforce le côté humain dans ses reportages.

Il renforcera cette tendance dès la création de l‘agence Magnum avec son premier reportage sur des familles de fermiers à travers le monde.

Madrid 1936 / Guerre civile espagnole

Documentaire vidéo

Documentaire en 3 parties sur la vie de Robert Capa : Partie 1, partie 2 et partie 3