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Tomatsu Shomei

Tomatsu Shomei se soucie de la détérioration culturelle. Il s’intéresse à l’histoire de manière poétique, symbolique et matérialiste.

Tomatsu s’intéressera à la photographie grâce à l’influence de ses frères qui la pratique. Il suit leur exemple. Sa vision photographique se développera grâce à son investissement dans la revue Iwanami Shashin Bunko. Le concept se base sur l’idée de se consacrer à un sujet unique à chaque parution et de s’exprimer entièrement par images. Cela sera une des pierres angulaires de ce nouveau mouvement photographique japonais.

Cette vision est très différente des Européens qui préfèrent penser leurs images à partir de textes précis.

A partir des années 1990, les photographes japonais vont étendre ce principe de tout exprimer en images dans le monde entier.

Tomatsu Shomei s’intéressera au temps qui s’écoule. Il verra la photographie comme l‘art du haiku. Connaître le haiku permet de comprendre l’art de Tomatsu.

Hiroshima et Nagasaki ont laissé une emprunte dans le Japon de Tomatsu. Avec les américains basés à Okinawa, les japonais craignaient une répétition de la catastrophe nucléaire jusque dans les années 60. Avec le temps, le souvenir s’en effaça et de nouvelles inquiétudes apparurent en rapport avec la dégradation sociale que Tomatsu put observer dans le Japon occupé par les américains.

Tomatsu Shomei partira dans divers pays tel l’Afghanistan dans un esprit de documentalisation photographique. Réaliser un documentaire présupposait un savoir de la part du photographe car sans cela, comment réaliser un reportage intéressant ? Tomatsu ira à l’encontre de ce principe lorsqu’il partira en Afghanistan dans les années 1960 !

Il arrivera sans réelle connaissance et essayera de témoigner sous des angles inhabituels ou en rendant les photographies difficiles à déchiffrer. Il incarnera la manière japonaise de la photographie en se gardant des vues d’ensemble et de la banalité. Tomatsu sera entouré de gens qu’il ne connaît pas et qui lui est difficile d’approcher. Tout en gardant sa conception asiatique du documentaire, Tomatsu est l’un des leaders de la photographie humaniste d’après-guerre.

Dans les années 1960 va commencer à se dessiner un nouveau courant photographique où les disciples de Tomatsu tels que Moriyama et Nakahira seront les nouveaux chefs de file. Le contexte historique est un ensemble mondial de nombreux changements : révolution culturelle chinoise, mai 68,… Un vent de rébellion commencera à souffler sur le monde ainsi que sur la nouvelle génération japonaise.

Il a souvent dit que ses contemporains ne croyaient en rien en raison de l’effondrement de leurs anciennes croyances qui sont survenues avec la fin de la guerre et la défaite et en raison aussi de la violence quotidienne qui a tué un grand nombre de citoyens, dommages collatéraux dont les Américains parlent peu. Comment dès lors croire en un futur possible ?

Tomatsu croit pour sa part que des photos consacrées aux blessures, à la Terre, aux détritus, à la lumière du soleil et à la peau sont bien plus éloquentes que les idées d’hommes encore sous le joug de l’occupation à cette époque. Il défend aussi l’importance du jugement propre à chacun, un jugement qui naît du regard que chacun porte sur le monde qui l’entoure plutôt que l’écoute attentive de la voix de l’Autorité.

Tout au long de sa carrière, Tomatsu a vu le Japon renaître de ses cendres grâce à des individualités, hommes et femmes, qui ont travaillé plus que jamais dans l’histoire. Efficace, mobile, flexible et peu coûteuse, la photographie, alors, était le média idéal pour explorer des questions qui ont troublé la nation japonaise d’après-guerre et cet objectif, Tomatsu le poursuivra avec ténacité et courage comme le dit Daido Moriyama, son ami de toujours.

Lisette Model

Nous sommes le sujet, l’objet est le monde qui nous entoure.

Lisette Model est née le 10 novembre 1906 à Vienne. A l’origine musicienne, elle s’intéressera à la peinture grâce à son mari, le peintre russe Evsa Model. Influencée dans sa jeunesse par des artistes qui veulent bousculer la bourgeoisie autrichienne par leurs oeuvres (expression de sexualité brutale, souffrance humaine, tiraillements, ect…), Lisette Model sera marquée par ce terreau artistique.

En 1930, la photographie semble devenir un métier prometteur et c’est dans ce contexte artistique qu’elle se lance l’appareil à la main.  Le monde de la photo n’est pas inconnu pour Lisette Model grâce à sa jeune soeur Olga qui est photographe professionnelle.  En se lançant dans sa nouvelle carrière de photographe reporter, Lisette Model recevra un conseil précieux de la photographe Rogi André qui guidera toute son existence : « Ne photographie jamais quelque chose qui ne t’intéresse pas passionnément.»  Quarante ans plus tard, Lisette Model dira à ses étudiants : « Montrez dans vos photos ce que vous avez dans le ventre ! »  Phrase qui sonne comme un écho au conseil de Rogi André.

La célèbre Diane Arbus apprit beaucoup à ses côtés.  Elle enseignera la photographie jusqu’en 1983 où elle s’éteindra la même année.  Le credo de Lisette Model était : « Ne photographiez que lorsque le sujet vous frappe au creux de l’estomac. »  Phrase emblématique qui inspirera Diane Arbus et tissera le chemin artistique de celle-ci.

Avec le temps, Lisette Model s’exprimera de façon plus extravagante. Elle se tournera vers l‘expressionnisme pour lequel il existe une demande dans les Etats-Unis en guerre, son pays d’adoption.

Conception artistique

Lisette Model utilisera son appareil photo comme un outil pour essayer d’exprimer une émotion.  Cette expression réussit à passer grâce au choix du sujet et de la composition.

 » Nous ne fabriquons pas la composition – la composition est ce que vous éprouvez à propos d’un sujet – ce sont la compréhension et l’attitude que vous adoptez qui déterminent l’organisation… Si vous le faites de telle ou telle manière, ce n’est pas pour améliorer l’effet mais pour en dire davantage. »

Lisette Model va utiliser son objectif pour capter un sujet et l’étudier.  Elle modifiera sa composition lorsqu’elle tirera ses négatifs à l’agrandisseur.  C’est, à mon avis, pour cela qu’elle relie composition et sentiments du photographe.  La composition changera en fonction de ce que l’on ressent et de sur quoi le photographe a envie de mettre l’accent.

L’image initiale est un point de départ !  Elle affirme qu’il faut un moment où le photographe a besoin de contempler son travail pour percevoir des choses qu’il n’a pas perçues lorsqu’il prenait sa photographie.   Il est connu que Lisette Model recadrait ses photographies ou maquillait le négatif pour faire disparaître des éléments par exemple.

C’est une conception très moderne dans cette ère du numérique, vous ne trouvez pas ?

« Les gens pensent toujours qu’il y a une intention sarcastique dans ce que je fais, mais je ne suis pas du tout d’accord avec eux. J’ai l’impression que tous les gens que je photographie ont de fortes personnalités.»

Sa conception de l’image

Lisette Model défend un lien réel entre la photographie et la projection personnelle du photographe.  Celui-ci doit percevoir le lien entre lui et la photo qu’il est en train de prendre.  Il doit pouvoir également se surprendre en partant de son propre bagage.

« La photographie commence par la projection du photographe, de sa compréhension de lui-même et de la vie, dans l’image à produire. Peu nous importe que l’épreuve soit bonne ou mauvaise, ce qui compte, c’est qu’elle fasse ressortir l’imprévu. »

Les images sont personnelles et universelles.  Elles sont également une projection de la culture et de son histoire dont les images proviennent.  Que le photographe le veulent ou pas, les images font partie de la mémoire collective d’une culture.

Lisette Model déclarera ceci en prenant une photographie qui joue avec les reflets des passants dans une vitrine d’un magasin à New-York : « Ce que nous voyons dans les vitrines de magasins en dit long sur l’Amérique, sa civilisation et sa culture. Ce n’était pas seulement quelque chose que je faisais pour des raisons esthétiques. »

« Cette façon de regarder est devenue une passion, un de mes violons d’Ingres que je n’ai jamais laissé tomber. »

Comme cité plus haut, Lisette Model laissera une trace profonde dans la conception artistique de Diane Arbus.  Voulant bouleverser la tiédeur des images trop conventionnelles, elle va établir une démarche autour du portrait en photographie.  C’est ainsi qu’elle représentera directement, sans condescendance ni pitié, des sujets dont la plupart des gens détourneraient les yeux : les aveugles, les obèses, les difformes, les vieillards,…  Ceci ne vous fait pas penser à quelqu’un ?  Et oui, Diane Arbus évidemment !

 » La plupart des gens ont terriblement peur de photographier leurs semblables, sous prétexte qu’ils envahissent l’intimité de ces personnes. N’est-ce pas plutôt parce que quand nous voyons un ivrogne couche dans la rue, nous nous disons que cela ne pourrait pas nous arriver, pas plus que nous ne pourrions nous retrouver à la place d’un infirme […]Après tout, demain matin, je pourrais me trouver a sa place […]. Tant que j’aurai le sentiment que c’est moi, je pourrai photographier ces gens. »

Métropole Café New York, 1946

Le rôle du photographe

« Des milliers d’images nous entourent de toutes parts, mais nous ne voyons pas la plupart d’entre elles car la routine nous rend aveugles. Lorsque je braque mon objectif sur quelque chose, je pose en fait une question, et la photographie me donne parfois une réponse. »

Bien qu’ancienne, la conception de Lisette Model sur le rôle que joue le photographe me semble encore d’actualité aujourd’hui.  Je trouve cela très instructif d’en évoquer une infime partie ici.

Vous retrouverez la majorité de ces informations ainsi que la critique d’autres photographies dans un document écrit par le National Gallery of Canada.

Diane Arbus

Pour Diane Arbus, le sujet de la photo est plus important que la photo elle-même.

Lady bartender at home with a souvenir dog, New Orleans, 1964

Les photographes sont des observateurs. Certains sont mystérieux. Ce qui n’est pas le cas de Diane Arbus qui livre, dans ses écrits et carnets, tout ce qui lui vient à la tête.

En 1961, Diane Arbus déclare : « Le monde est plein de personnages de fiction à la recherche de leur histoire. »

Cette artiste aime les paradoxes. Elle met en scène le jardin d’Eden où c’est le serpent qui succombe à la tentation par exemple. Elle est attirée par les excentriques, le siamois, les jumeaux, les fêtes foraines avec leurs tentes des horreurs, nudistes, enfants de familles riches ou aveugles pour ne citer qu’eux.

Identical twins, Roselle, N.J., 1967

Ses carnets sont fortement liés à ses créations photographiques. Elle fait énormément de listes. Ses carnets sont une multitude de listes de gens à voir, de projets à réaliser. Diane Arbus pense avec des ensembles  et par séries. « Sans liste raisonnable, on ne sait ni quoi ni où photographier. », disait-elle.

La toile de fond de son oeuvre a toujours guidé ses pas que ce soit pour son travail personnel, des contrats avec des magazines ou l’acquisition d’une bourse. Cette toile de fond directrice peut être résumée en ces mots : « Le cours de la vie humaine vers un avenir souvent imprévisible. »

Beaucoup de ses photographies présentent des exemples où les acteurs mis en scène ne choisissent pas leur destinée. En 1961, elle prend en photo des frères siamois morts dans un bocal sous une tente de forains dans le New Jersey. C’est un exemple type de personnages qui n’ont pas choisi leur destin.

Diane Arbus a été fort influencée par Lisette Model qui lui apprend : « Plus on est particulier, plus on est universel. » Ces termes photographiques ont marqué les choix de Diane pour le restant de ses jours.

Two friends at home, NYC, 1965

Diane sait que réussir de bonnes photographies n’est pas une question de technique. Il faut avoir le bon réflexe au bon moment et cela n’est pas donné à tout le monde. Elle disait à qui veut l’entendre : « Rien n’est jamais comme on a dit que c’était. » Elle part du principe qu’il existe des gens qui sont allés au-delà des limites mais qui ont survécu, et leurs portraits nous aident à retracer par où ils étaient passés. Les portraits de Diane sont ceux de gens qui lui rappellent sa propre expérience.

Elle se suicidera en 1971 aux médicaments suite à une forte dépression.

Concept artistique

Diane Arbus est connue pour les photographies montrant des gens étranges, des monstres de cirque ou des siamois tout en présentant un naturel déconcertant. Ses portraits de New-Yorkais, dans la rue ou posés dans un salon bourgeois, ne sont pas non plus dépourvus d’interrogations.  C’est aussi cela la force qu’a Diane dans sa conception photographique.

Vers la fin de sa vie, elle sera en recherche de vérité photographique.  Faire tomber les masques que la photographie apporte en photographiant des aliénés ou des aveugles qui ne se rendent pas compte de l’image qu’ils renvoient par exemple.  Une semaine avant son suicide, elle participe au pic-nique de la Fédération des Handicapés. Elle sait que ses sujets n’ont aucune idée de ce qu’ils font, de comment ils sont vus. Déguisés, masqués, ils n’ont rien à voir avec le regard du photographe sur eux.

En parcourant son oeuvre, on peut remarquer que Diane Arbus aimait les nudistes.  Des hommes et des femmes faisant des gestes quotidiens sans être cachés par leurs vêtements.  Peut-on faire un parallélisme avec une certaine quête de vérité photographique énoncée plus haut ?

Diane Arbus - Autoportrait

Takuma Nakahira

Un essayiste et critique de photographie, un militant politique, un artiste qui parlait trop, un homme qui a perdu sa mémoire, un photographe qui a oublié sa langue maternelle, une légende …

Takuma Nakahira reproche au documentaire photographique d’être trop descriptif. Lui préfère créer, fabriquer des atmosphères d’apocalypse. Disciple du photographe Tomatsu Shomei, Nakahira aime déclencher en pleine lumière pour en tirer des effets. Il développe une vision de la fin de monde très fine et très pointue. C’est un créateur et un manipulateur au niveau des effets. Takuma pouvait envisager une autre version du monde, un autre état des choses grâce à ses manipulations. Il développera une vision d’abandon.

Il abandonnera peu à peu la photographie pour se perdre dans l’alcoolisme dès 1977. Ce photographe est le cofondateur de la revue Provoke en 1968 et il travaillera par la suite avec le photographe Daido Moriyama.

Takuma Nakahira, qui a influencé de nombreux photographes de la génération suivante avec son langage radical et ses tableaux, est maintenant considéré comme une figure légendaire dans le monde de la photographie.

Daido Moriyama

Ses images aux forts contrastes rejettent la “bonne technique” par des flous, des bougés, des lumières parasites ou la présence du grain.

Homme nomade, Daido Moriyama est un photographe et un auteur fascinant. Né en 1938, ses souvenirs d’enfance sont liés à l’occupation américaine.

Il commence sa vie de photographe en concevant des pochettes d’allumettes pour des bars d’Osaka avant de trouver un emploi dans un studio photo. A Kobe, il fait des portraits-souvenirs de marins et de passagers sur les quais. En 1961, il devient freelance. Vers 1965, Moriyama évolue vers une esthétique de l’instantané.

Ses photographies représentent les côtés les plus sombres de la vie urbaine.  Il piège ce qui se cache derrière la société de consommation.  Il attrape l’envers des paysages éblouissants des villes contemporaines.  Ses œuvres nous rappellent aussi que look urbain est souvent nostalgique.

La revue Provoke

Daido Moriyama sera lié au magazine Provoke qui eut comme cofondateur le photographe Takuma Nakahira, un ami de Moriyama.

Revue trimestrielle, Provoke veut apporter un matériau artistique capable de guider la pensée. Selon les fondateurs, les mots avaient perdu leur sens et la force de décrire la réalité. Ce rôle revenait donc aux photographes qui devaient prendre le relais sur le langage. Les images devaient avoir la priorité et même remplacer le langage.

Les théories artistiques du groupe Provoke ont permis à une nouvelle génération de photographes de rompre avec les conventions.

Moriyama et ses contemporains ont espéré prévoir un temps où les photographies allaient communiquer toutes seules. Bizarrement, celles-ci ont appelées les mots et Moriyama s’est mis à l’écriture !

Regarder le monde sous un autre angle ?

Daido Moriyama aime regarder le monde au niveau du sol ou du point de vue d’un chien par exemple. Il parcoure le japon en voiture pour y photographier le monde à partir de l’intérieur de celle-ci. Ce nouveau point de vue est incertain dans le monde la photographie où la station debout avait la préférence.

La photographie allait devenir une expression personnelle à partir du moment où elle arrivait à sortir des conventions. Les prises de vues se faisaient sans viseur. L’oeil du photographe ne devait pas être en contact avec les conventions de la prise de vue. Daido Moriyama n’était pas un photographe téméraire et il gardait toujours ses distances. Cette distance permet à l’autre d’apparaître à l’instar de lui-même dans ses photographies. Voyeurisme ? Description basée sur la timidité ? Percevoir le monde comme le spectateur d’un rêve ?

La perspective de ses photos suivent la démarche d’un voyeur ou un violeur. Son regard, à partir de la fenêtre d’une voiture en mouvement ou de l’ombre, est celle d’un criminel. C’est le travail de quelqu’un qui parle sans regarder les gens dans les yeux.

En 1980, Moriyama dit : « La plupart de mes instantanées, je les prends en roulant en voiture ou en courant, sans viseur, et de ce fait, on peut dire que je prends des photos plus avec le corps qu’avec les yeux. »

Daido Moriyama se présente comme une nouvelle génération inspirée par Tomatsu Shomei et guidée par ses impressions et ses obsessions.

Le Polaroid est mort et pourtant n’a jamais été aussi présent

Le Polaroid est bien enterré mais il n’a jamais été aussi à la mode ! Sa rareté et son côté rétro font de lui un appareil de légende soumis à toutes les convoitises.

La photographie instantanée s’est révélée avec le Polaroïd et non avec la venue de la photographie numérique.  Pour les profanes, le Polaroïd dit « Le Pola » est un appareil qui recrachait les photographies directement une fois le cliché effectué.  En un clic, une photographie au format carré (avec des bords blancs) sortait de l’appareil en quelques secondes.  Le cliché pouvait donc être donné directement au modèle par exemple.  Un système révolutionnaire pour l’époque !

Le Polaroid est une photo sans témoin, qui ne transite plus par un laboratoire de développement.  L’appareil est devenu le fer de lance du verbe « Oser ».  On ose photographier sa petite amie nue sur le lit dans une position coquine. On enregistre tout, une assiette, un coin de chambre, le tombé d’un rideau dans un rayon de soleil. Certains se sont mis à aimer les photos ratées aux couleurs voilées.  Des collectionneurs se sont rués vers ces petits sésames en papier.  C’est le procédé de la rapidité et la liberté personnelle.

Le Polaroïd, toute une histoire !

Tout commence en 1948 avec un scientifique américain du  nom de Edwin Land qui l’ingénieuse idée de sensibiliser et de développer le film à l’intérieur de l’appareil lui-même. La petite histoire veut que la fille du scientifique, prise en photo par son papa un soir de Noël, lui demande pourquoi elle ne peut pas avoir sa photographie tout de suite. Il faudra attendre 5 années pour rendre le processus viable.

Il reprend donc la base même de la photographie argentique et du labo au sein de sa machine portative.  La première génération du « Pola » mit une minute pour sensibiliser, révéler et fixer le cliché sur le papier.  Exclusivement monochrome, c’est en 1968 que le système s’adapte au film en couleur (Polacolor).

Le photographe de mode, Paolo Roversi se souvient avec émotion de sa rencontre avec un enfant indien sur la route de Bénarès. « Je n’oublierai jamais son expression. Il n’aurait pas été plus étonné s’il m’avait vu marcher sur les eaux du Gange, ou descendre d’un vaisseau spatial. Je l’avais simplement photographié en Polaroid . »

Malgré la popularité du concept, l’entreprise met la clef sous la porte en 2008.  A l’heure actuelle, les derniers stocks de film se vendent à des prix d’or car ils deviennent très rares et la presque totalité des stocks se sont écoulés en 2009.

Oliviero Toscani (Italie), « Andy avec un appareil photographique », 1975. Tous les polaroïd présentés dans cette page sont exposés à Arles dans « Polaroïd en péril » – Courtesy The Polaroid Collections / Musée de l’Elysée, Lausanne

C’est dans sa mort que le Polaroïd argentique se fait une nouvelle vie

La rareté et la complexité de se procurer le matériel pour faire fonctionner son Polaroïd a transformé l’avenir de l’appareil. Il devient un effet de mode pour les artistes et les gens fortunés qui dépensent des sommes folles pour en faire quelques clichés.  La mort du Polaroïd en a fait un objet de tendance et à la mode.  La venue du Polaroïd au format numérique ne prend pas et la nostalgie de l’argentique se fait ressentir chez les artistes.

Avec ce regain d’intérêt, la célèbre marque a officialisé le lancement d’une nouvelle ligne de Polaroïd sous la houlette de Lady Gaga, chanteuse provocatrice et en vogue.  De l’autre côté du monde, aux Pays-Bas, une équipe de passionnés a racheté la première usine de Polaroïd et relance la production de films sous le nom de « The Impossible Project« .

Robert Capa

Pour qu’une photographie ait le style Capa, il faut qu’elle soit prise au plus près de l’Homme et de l’action. Il s’intéresse à l’éphémère de la vie, aux instants fragiles d’une existence.

Endre Ernö Friedmann est né à Budapest. Il découvrit la photographie au côté d’un photographe moderniste reconnu bien plus tard aux Pays-Bas.

Dans les années 30, Endre se destine au journalisme mais les difficultés financières et matérielles le poussent vers la photographie. Il travaille donc pour quelques agences. Il va photographier Trotsky lors de sa conférence à Copenhague en 1932 par exemple.

Avec l’arrivée au pouvoir des nazis, il va s’installer en France. C’est en 1936 qu’il s’établira comme photographe grâce à l’aide de ses amis. Il s’invente le nom de Robert Capa. Robert provenant de l’acteur Robert Taylor, Capa venant de l’adaptation du nom du cinéaste Franck Capra.

En 1938, Robert Capa est reconnu pour être le plus grand photographe de guerre du monde et un fervent démocrate.

Robert Capa meurt sur une mine en Indochine en 1954. Après sa mort, il sera reconnu comme le premier jeune romantique de la photographie.

Dans toutes ses photographies, il tente de prendre l’instant où l’Homme fait face au danger et parfois à la mort, à la vérité. Pour cela il faut que le photographe soit le plus près possible du danger. Robert Capa disait même : « Si ta photo n’est pas bonne, c’est que tu n’étais pas assez près ».

Chartres, Femme tondue pour avoir eu un enfant d’un soldat allemand (Robert Capa, 1944)

Le reportage dans les années 30

Au cours des années 1930, le reportage a un aspect filmique. Les photographes de l’époque savent que les clichés présentés dans un article doivent avoir un lien étroit entre eux. Les photographies n’était que des extraits d’un évènement particulier. Une situation était reconnue comme urgente à partir du moment où les photographies étaient quelques fragments d’une situation. Plus les photos étaient fragmentaires, plus la situation illustrée était urgente.

Les photographies de Robert Capa sont devenues une réelle révélation pour la profession en 1938. Prises au coeur des choses, au sein d’un évènement bien précis, Robert Capa réussit à montrer son talent de photographe reporter.

Entre les problèmes de visa et de papiers, les situations délicates en temps de guerre, les agences qui aimaient tout contrôler, les photographes travaillant sur des fronts lointains et ayant des difficultés de faire parvenir leurs clichés, la vie des photographes reporters étaient semées d’embûches.

Les querelles entre les agences et le sujet délicat de la propriété des droits des clichés, Robert Capa sera l’un des fondateurs de l’agence coopérative Magnum en 1947 avec Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour.

Tendance humaniste

Robert Capa va contribuer à la tendance humaniste de la photographie d’après-guerre. Capa présentera la guerre et toute la logistique qui l’entoure. Il montrera l’évacuation des blessés, les soldats faisant une pause cigarette par exemple. Il renforce le côté humain dans ses reportages.

Il renforcera cette tendance dès la création de l‘agence Magnum avec son premier reportage sur des familles de fermiers à travers le monde.

Madrid 1936 / Guerre civile espagnole

Documentaire vidéo

Documentaire en 3 parties sur la vie de Robert Capa : Partie 1, partie 2 et partie 3

Henri Cartier-Bresson

C’est par une économie de moyens et surtout un oubli de soi-même que l’on arrive à la simplicité d’expression.

Le photographe Henri Cartier-Bresson est synonyme de la photographie moderne. A ses débuts, il est passionné par la peinture. Il étudie donc cette expression artistique tout en commençant la photographie.

De 1931 à 1933, il parcoure l’Europe avec son appareil photo. Il couvrira les grandes agitations sociales en Espagne par exemple. C’est en 1933 qu’il propose sa première exposition dans une galerie new-yorkaise.

Le surréalisme

Les surréalistes photographiques essaient de décrire l’hystérie, l’extase et le rêve. En 1928, Henri Cartier-Bresson essaie de figurer l’esprit ou son état. A la fin des années 20, les photographes modernistes prennent des machines, des pianos ou des schémas de rue vues en contreplongée par exemple.

L’innovation de Henri Cartier-Bresson est qu’il va établir un lien, combiner ces décors avec la figure humaine. Il va lier significativement décors schématiques et figure humaine.

Bresson d’après Julien Levy

Les clichés de Cartier-Bresson sont « septiques » d’après son ami Julien Levy car Henri Cartier-Bresson a une idée « rude et crue » de la photographie. C’est un homme qui ne voit aucune utilité à théoriser son art. Cela fait de lui un « artiste sincère et modeste. »

La photographie doit soulager les humains de leur propre réalité

Les photographies du début de Cartier-Bresson mettent en scène le destin. L’art photographique devait beaucoup à la chance. Cette chance d’être au bon endroit au bon moment. Au début des années 30, la photographie rentre dans un courant philosophique où la réalité doit-être présentée avec poésie.

Henri Cartier-Bresson sait que ses reportages d’actualité en Espagne n’entrent pas dans ce courant philosophique. Il y montre des foules, habitants typiques ou fragments de paysage. Bref, il présente la réalité sans poésie.

Pour compenser ces photographies-là, il va réaliser des photos plus poétiques qui rentrent dans le cadre philosophique de l’époque qui est : « l’art et la science ont pour objectif de créer un monde imaginaire qui soulage les humains de la réalité. »

A partir de 1936, Henri Cartier-Bresson se donne comme tâche journalistique et artistique de prendre des images structurées sur des thèmes d’actualité. Avant cette date, il se contentaient d’enchaîner les photos sans réelles structure entre elles.

La photographie d’après-guerre

Après 1945, les photographes essaient d’exprimer le déplacement et parfois l‘histoire en marche. Les photographes essaient d’exprimer la continuité de l’histoire difficile à comprendre. Ils deviennent à peu à peu des témoins. Les photographes essaient d’exprimer le désarroi de certains évènements ainsi que celui des participants involontaires. Ex : un mendiant en pleine révolution communiste. Il est participant d’un moment important de l’histoire mais il ne fait que sentir que quelque chose se passe.

Pour Cartier-Bresson, le témoin est un étranger aux évènements. Cette nouvelle idée va s’imposer.

En décembre 1948, le magasine Life envoie Cartier-Bresson en Chine pour illustrer la transition du Kuomintang aux règles communistes. La photo capture le trouble provoqué par le crash monétaire de ce mois, quand la valeur du papier monnaie chuta à pic et que le Kuomintang décida de distribuer 40g d’or par personne. Des milliers attendent en ligne pendant des heures, alors que la police ne fait office que de maintien de l’ordre symbolique, engendrant des dizaines de morts par suffocation. Cartier-Bresson immortalise adroitement le désespoir et la claustrophobie de la scène, en compressant la foule dans un cadre étroit alors qu’elle se presse pour atteindre la banque au delà du coin droit de l’image.

La création de l’agence Magnum

En 1947, il fonde l’agence Magnum avec Robert Capa, George Rodger et David Seymour.

Ce que Henri pense de la vision artistique de Cartier-Bresson

La photographie « fabriquée » ou mise en scène ne me concerne pas. Et si je porte un jugement, ce ne peut être que d’ordre psychologique et sociologique.

Il y a ceux qui font des photographies arrangées au préalable et ceux qui vont à la découverte de l’image et la saisissent.  L’appareil photographique est pour moi une carnet de croquis, l’instrument de l’intuition et de la spontanéité, le maître de l’instant qui, en termes visuels, questionne et décide à la fois.

Pour signifier le monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l’on découpe à travers le viseur. Cette attitude exige de la concentration, de la sensibilité, un sens de la géométrie. C’est par une économie de moyen et surtout un oubli de soi-même que l’on arrive à la simplicité d’expression.

Photographier : c’est retenir son souffle quand toutes nos facultés convergent pour capter la réalité fuyante ; c’est alors que la saisie d’une image est d’une grande joie physique et intellectuelle.

Photographier : c’est dans un même instant et une fraction de seconde reconnaître un fait et l’organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment et signifient ce fait.

Photographier, c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’oeil et le coeur. C’est une façon de vivre.

En ce qui me concerne, photographier, est un moyen de comprendre qui ne peut se séparer des autres moyens d’expression visuelle. C’est une façon de crier, de se libérer, non pas de prouver ni d’affirmer sa propre originalité. C’est une façon de vivre.